Matière à Fiction

.01 Best Seller

(2023-08-15, François Houste)

Ce matin-là, il sortit de la douche avec un grand sourire. Il le tenait enfin ce roman. Depuis le temps qu’il tournait autour, qu’il couchait des idées sur papier dans ces petits carnets tartan qui traînaient partout dans l’appartement. Quinze minutes d’eau chaude et voilà, tout s’était assemblé.

L’intrigue, les personnages, le dénouement. Tout fonctionnait. Il allait commencer à écrire ce matin même et dans quelques semaines, ce serait fini. Il allait enfin le pondre ce best-seller que son éditeur réclamait depuis tant d’année !

En se séchant les cheveux, face au miroir de la salle de bain, il imaginait déjà les dialogues. Il prenait la pose, imitait ses personnages, lançait des invectives à son reflet. Oui, un peu comme Robert de Niro dans Taxi Driver. C’était ridicule. Et si sa femme avait été là ce matin, elle lui aurait sûrement fait remarquer. Et lui ne l’aurait pas mal pris, tant il était de bonne humeur. Il finissait de boutonner sa chemise quand il entra dans son cabinet d’écriture.

Son sourire disparut aussitôt.

L’imprimante s’était mise en route. Les bruits des galets d’entrainement et des têtes d’impression envahissaient toute la pièce. Les feuilles sortaient à un rythme effréné, certaines déjà par terre. Il attrapa l’une d’elle et commença à en lire le contenu.

Tout était là.

Les décors. Les personnages. Jusqu’aux premières phrases du dialogue qu’il venait de mimer.

Il ne mit pas longtemps à comprendre. L’Intelligence Artificielle de l’ordinateur, celle-là même qui était connectée à son nouvel implant cérébral, venait de lui voler ses idées. Elle écrivait à sa place ce best-seller auquel il réfléchissait depuis des mois.

Il poussa un soupir. À quoi bon maintenant ? L’histoire existait déjà.

Il tourna le dos à son ordinateur et quitta la pièce. Et à l’endroit où il s’était tenu, une dernière feuille tomba, sur laquelle était écrit en capitales le mot FIN.