Matière à Fiction

.05 La Baleine et la fraise

(2023-08-29, François Houste)

— Pas de jouets dans la cuisine Coralise, je te l’ai déjà dit.

La voix de papa semblait un peu agacée. Alors Coralise recula doucement en serrant un peu plus fort Baly dans ses bras.

— Mais, c’est pas un jouet Papa ! C’est Baly, répondit tout doucement Coralise.

— C’est une baleine en peluche ma chérie. Et je ne la veux ni à table quand on mange, ni dans la cuisine quand je prépare le repas. Tu le sais.

Coralise n’aimait pas se faire gronder. Surtout quand les règles étaient injustes comme ça. Que Baly soit dans la cuisine, ce n’était pas si grave. Au contraire.

Pendant que son père avait le dos tourné, Coralise s’approcha de quelques pas du plan de travail.

— Mais tu sais Papa, elle sera sage Baly. Et puis elle peut aider. Elle peut allez chercher une fourchette s’il t’en faut une.

Pendant que son père cherchait quelque chose dans un tiroir, Coralise marqua une pause. Elle réfléchissait. Puis, elle reprit de plus belle.

— Et puis, elle est forte tu sais. Imagine Papa. Un dragon arrive par la fenêtre et t’attaque. Eh ben Baly elle pourra te défendre. Elle donnera un grand coup de queue pour assommer le dragon. Et des grands coups de nageoire aussi. Paf ! Bim !…

Coralise mimait le combat, tenant Baly à bout de bras et la balançant dans les airs. Quand… quand… Baly s’échappa. La baleine fit un grand saut et atterrit en beau milieu de la tarte aux fraises que Papa était en train de préparer. Splach !

Baly et Papa étaient tous les deux devenus tout rouges. Baly à cause du jus de fraise. Et Papa à cause de la colère.

— Coralise ! cria Papa.

Surprise, la petite fille fondit en larme… et la colère de son père disparut presqu’aussitôt. Il la prit dans ses bras et lui dit tout doucement.

— Tu vois, c’est pour ça que je ne veux pas que tu joues dans la cuisine. Regarde Baly…

Papa souleva doucement Baly. Son ventre était tout dégoulinant de jus de fraises. En faisant bien attention, il l’emmena près de l’évier et commença à frotter la peluche avec une éponge mouillée. Un peu de jus s’en alla, mais le ventre de Baly resta joliment rosé.

Coralise renifla, et essuya ses larmes.

— Elle est toute tâchée maintenant, dit-elle d’une toute petite voix.

— On va la laisser sécher. Et avec ses nouvelles peintures de guerre, peut-être qu’elle fera encore plus peur aux dragons, lui répondit son père avec un clin d’œil.

— Oh oui, peut-être, répondit Coralise en retrouvant le sourire.