Matière à Fiction

.13 Très Courtes Histoires de la Fin du Monde - 03

(2023-09-23, François Houste)

Papy, lui, il a jamais voulu porter de masque. Il disait que ça lui enlevait sa liberté. Et puis, ça l’aurait empêcher de fumer les longues cigarettes qu’il avait toujours à la bouche et dont j’aimais beaucoup l’odeur. Maman, elle détestait ça et disait que c’était une sale habitude. Mais elle le laissait faire, même que le dimanche il pouvait fumer dans la maison parce que c’était mieux que de sortir dehors sans masque alors que la lumière du drone était rouge. Ces fois-là, quand Papa avait reconduit Papy dans son appartement avec la voiture-propre-électrique qu’on avait, Maman faisait tourner à fond le système de changement d’air de la maison, pour chasser les odeurs. Moi, je restais aussi longtemps que possible le nez près du cendrier que Papy avait rempli parce que c’était une odeur que j’aimais vraiment bien. Ça durait pas longtemps, Maman débarrassait vite, mais je trouvais ça chouette. Une fois, quand Papa est revenu du travail, je me suis rendu compte que son manteau portait la même odeur que quand il raccompagnait Papy. Alors, je lui ai demandé s’il avait été voir Papy. Il a haussé les épaules et il a dit que non. Alors, j’ai rien dit. Et j’en ai jamais parlé à Maman.

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La seule fois où j’ai vu les Animaux de nos campagnes de mon livre dans le jardin, c’était le jour où on a quitté la maison. C’était quelques mois après la mort de Papy. Maman m’avait dit de préparer les affaires que je voulais emmener pour un long voyage, mais elle m’avait pas dit pour où on allait partir. Alors, pendant qu’elle finissait de rassembler des choses, moi je regardais par la fenêtre du salon et à la place des drones, j’ai vu un renard. C’était le même que dans mon livre. Il était tout roux, assez fin et très long. Avec un nez pointu. Il semblait avoir peur parce qu’il est passé très vite sur la pelouse jaune qui entourait la maison et je n’ai pas vu vers où il allait. J’ai voulu dire à Papa que j’avais vu un renard, tout content. Mais il m’a dit qu’on avait pas le temps pour des bêtises et qu’il fallait vite aller dans le garage et dans la voiture pour partir. J’ai juste fait un aller-retour dans ma chambre pour récupérer le livre des Animaux de nos campagnes. Je voulais revoir l’image du renard pour comparer avec le souvenir que j’avais dans ma tête. On est parti très vite. Ce jour-là, le ciel était tout sombre et sur la route, on a croisé plein de camions de pompier, et des drones que je n’ai pas reconnus. Je ne sais pas ce qu’est devenu le renard.