Matière à Fiction

.16 Il était une fois

(2023-09-29, François Houste)

« Il était une fois…

— Pourquoi les histoires débutent-elles toujours par Il était une fois ?

— Parce qu’il faut bien débuter par quelque chose, et parce que chaque histoire est unique. Comme chaque rencontre. C’est pour cela que l’on commence par une fois, et pas deux. »

Le robot opina, pas totalement convaincu. Mais il savait que s’il interrompait trop souvent le conteur, il n’aurait jamais la suite de l’histoire. Alors il se tût.

« Il était une fois, reprit le conteur, un jeune femme, belle forcément, sage aussi, et un peu timide, qui partait en voyage.

— Où allait-elle ? interrogea la robot.

— Peu importe répondit doucement le conteur. Ce qui est précieux, ce n’est pas toujours la destination, c’est parfois le trajet. Ce qu’on y découvre et, pour cette jeune femme, ceux qu’on y rencontre. »

Le robot cala sa tête dans ses pinces de précisions et attendit la suite.

« Elle monta dans le train qui devait l’emmener en voyage, et resta seule dans son compartiment, le nez dans un livre... Jusqu’au premier arrêt du train. A cette gare, un jeune homme monta à bord, et choisi de s’installer, dans le même compartiment qu’elle. Une fois le train reparti, le jeune homme sortit un magazine de sa valise et commença lui aussi à lire. »

Le conteur marqua une pause, ménageant ses effets.

« La jeune fille leva les yeux de son livre et regarda le jeune homme...

— Le coup de foudre ! s’exclama le robot. Classique ! Comme dans toutes les belles histoires !

— Oui. Le coup de foudre, reprit le conteur avec un sourire. Mais le jeune homme lui n’avait pas décollé les yeux de sa lecture. Comment l’aborder ? se demandait la jeune fille. Comment démarrer la conversation ?

— Oh, mais c’est simple de démarrer une conversation. Il suffit de dire bonjour !

— Oh, c’est peut-être facile pour vous les robots. Mais c’est beaucoup plus difficile pour nous, les humains. Il nous faut de l’audace, mais aussi un prétexte, un sujet. Avoir quelque chose d’intéressant à dire. Imagine que le jeune homme la trouve… bête ? Qu’il se vexe ? Ce n’est pas toujours facile de démarrer une relation !

— Il faut chercher des indices, fit remarquer le robot. Comment le jeune homme était-il habillé ? Avait-il un costume ? Un foulard ? Portait-il un chapeau ?

— C’est exactement ce que la jeune fille a fait. Chercher dans la tenue du jeune homme un sujet de conversation, une raison de l’aborder. Et tu as raison, il portait un foulard, très beau et plein de couleurs. Et c’est sur ce détail vestimentaire qu’elle a commencé à nouer une relation… »