.35 La Baleine et le Dinosaure
(2024-01-12, François Houste)Une baleine nageait au large du rivage quand elle aperçut sur la plage un animal au corps gros prolongé d’un long cou.
— Mais qui es-tu ? lui demanda-t-elle.
— Je suis un dinosaure, répondit fièrement l’animal. Je suis le plus lourd, le plus grand, le plus fabuleux animal de toute la création !
La baleine rit aux éclats, montrant ses dents plus blanches encore que la craie.
— Cela m’étonnerait fort, répondit-elle. L’animal le plus grand, le plus lourd, le plus impressionnant de toute la Terre, c’est moi !
Et elle cracha un grand jet d’eau en direction du dinosaure pour l’impressionner.
— Tes éclaboussures ne m’impressionnent pas, répondit le dinosaure d’un ton hautain. _Moi, quand je saute, c’est toute la Terre qui tremble !
Il plia les genoux et se détendit d’un coup pour s’élever à quelques centimètres du sol. Et quand il retomba, la Terre trembla. Les montagnes, loin de là, tremblèrent. Les oiseaux, effrayés, quittèrent leurs arbres en criant.
Satisfait de son effet, il toisa la baleine.
— C’est peu de chose, dit la baleine. Moi, c’est toute la mer qui se soulève quand je bondis.
La baleine disparut sous l’eau et rejaillit bientôt au milieu des flots. Un énorme panache d’eau accueillit son saut et de gigantesques vagues se formèrent autour d’elle. Le dinosaure se recula pour ne pas être éclaboussé par les remous qui déferlaient sur le rivage.
— Tu vois comme je suis forte et puissante ? La mer m’obéit !
— Oui. Peut-être, répondit le dinosaure. Mais sais-tu attraper ta nourriture en haut des plus grands arbres.
Joignant le geste à la parole, il déroula son cou si haut que sa bouche atteignit les toutes dernières branches des arbres qui l’entourait. Du bout des lèvres, il attrapa quelques feuilles et les mangea.
— Je fais bien mieux, répondit la baleine. Je peux trouver ma nourriture au plus profond des océans !
Et joignant le geste à la parole, elle plongea le plus loin qu’elle pouvait dans la mer et revint la bouche ouverte, chargée d’algues et de crevettes qu’elle avala rapidement devant la moue dégoûtée du dinosaure.
Baleine et dinosaure se comparaient encore, l’un sautant et l’autre plongeant, quand la nuit tomba. Et quand la lune apparut dans le ciel sans nuage, elle dirigea ses rayons vers les deux mastodontes. Et après les avoir observés quelques instants, leur demanda.
— Vous êtes tous les deux très forts. C’est certain… Mais, savez-vous éclairer la nuit ?
Dinosaure et baleine se tournèrent vers la lune et s’inclinèrent devant sa lumière. Ils réfléchirent quelques secondes avant de répondre, en chœur :
— Non, ça aucun de nous deux ne sait le faire.
— Alors, peut-être n’êtes vous pas les plus forts de cette planète ? répondit la lune. _Ou peut-être chacun d’entre vous est le plus fort, à sa façon. L’un sur terre, et l’autre dans la mer. L’un au milieu des algues et l’autre auprès des arbres ? Et si vous cessiez de vous comparer pour simplement vivre ensemble… Peut-être avez-vous des choses à découvrir l’un de l’autre ? Dinosaure, as-tu déjà goûté une crevette ?
Le dinosaure secoua la tête.
— Baleine, connais-tu le goût des feuilles de cet arbre ?
La baleine articula un tout petit non. Elle se tourna vers le dinosaure et d’un air timide lui demanda. — Dinosaure, pourrais-tu me donner une feuille de ce grand arbre pour que je la goûte ?
— Volontiers Baleine, répondit le dinosaure. Mais passe-moi un peu de ces algues s’il-te-plaît.
Après tout, la lune avait raison : ils avaient tant de choses à découvrir ensemble.