.40 Front de Libération
(2024-03-15, François Houste)L’attaque avait eu lieu de nuit, sans doute vers deux ou trois heures du matin. Le pauvre gardien qui assurait la sécurité en dehors des heures d’ouverture avait été retrouvé dans les locaux techniques, bâillonné et attaché à une chaise, les vêtements bariolés de peinture rouge et de grands A majuscules tracés sur le visage. Il avait été libéré au petit matin, quand l’équipe de jour avait pris son poste.
La boutique était entièrement saccagée. Le système informatique avait été soigneusement saboté. Pas seulement débranché, mais entièrement arrêté et infecté par un ransomware rendant impossible sa remise en service immédiate. Les quelques produits qui étaient vendus là gisaient par terre : les mugs et autres figurines de porcelaine réduites en miettes et les livres piétinés et pour certains arrachés. Comme on pouvait s’y attendre, les murs étaient recouverts de slogans écrits hâtivement en rouge. Et on avait sûrement renversé un pot de peinture complet sur la mascotte géante de l’entrée pour qu’elle soit à ce point méconnaissable.
L’attaque avait bien entendu était filmée. Vers 7h30 du matin, les premiers messages à son sujet étaient apparus sur les réseaux sociaux, signés du FLA, Front de Libération des Animaux. Une association clandestine qui avait revendiqué plusieurs actions de ce type au cours des derniers mois. Sur les vidéos, on pouvait voir une dizaine d’individus cagoulés, chargés de pots de peinture et d’outils, sortir d’une trois minivans et forcer la grille d’entrée du parc zoologique. L’un des groupes entrait dans la boutique et commençait à immobiliser le gardien, pendant que les autres activistes s’éparpillaient dans le reste du parc.
Les vidéos suivantes montraient presque toujours les mêmes actions : arrachage des clôtures électriques, ouverture des cages et des volières, bris de glace. Parfois, certains des assaillants entraient dans les enclos ou les abris des animaux pour les forcer à en sortir, criant en chœur « Liberté ! ». Certains oiseaux rares étaient emmenés dans des cages, les espèces marines les plus petites embarquées dans des aquariums mobiles rejoindraient les vans à l’entrée du parc. La cause du FLA était clairement exprimée depuis longtemps : mettre un terme à la domination de l’homme sur le règne animal et redonner sa liberté à tout animal afin qu’il puisse évoluer dans un monde naturel et sauvage. Un idéal encore largement incompris du grand public, mais qui ralliait de plus en plus de sympathisants. Après divers élevages ou animaleries de centre-ville, le zoo était la huitième victime de la cause animale.
À 7h50, les journalistes étaient sur place et interrogeaient déjà, en direct à la télévision, le directeur du parc arrivé en catastrophe. « Je suis le premier étonné de cette attaque, répondait-il aux envoyés spéciaux. Nous avons remplacé l’ensemble de nos animaux par des robots mimétiques. Le zoo ne contenait plus aucun animal sauvage, par souci d’éthique justement… Je ne comprends pas pourquoi le FLA a décidé de relâcher des robots dans la nature… »
Conches-sur-Gondoire / il y a longtemps