.56 Mortelle Sono
(2024-06-24, François Houste)— La platine tournait encore quand les hommes sont entrés commissaire.
Pas un bonjour. C’est avec cette seule phrase que l’agent Kelvin l’avait accueilli sur la scène du drame. Les embouteillages sur Hollywood Boulevard avait fait qu’il été arrivé bien après l’équipe d’intervention. Le médecin légiste avait déjà remballé ses instruments. Le cas était de toutes façons très simple.
— Overdose ? lui demanda laconiquement le commissaire Edison.
— Clairement, confirma la légiste. Y’avait ici de quoi tuer plusieurs fois tout l’immeuble.
Elle désigna d’un geste du menton le mur du fond de l’appartement, où toute la dope était étalée comme au grand jour. Bon sang, si des types avaient chez eux un arsenal pareil, on pouvait en effet craindre le pire. Edison soupira. Tout cela semblait ne jamais devoir finir. Sur chaque intervention, c’était pire. Il y en avait de plus en plus.
— Comment ça s’est passé ? demanda-t-il à Kelvin qui se tenait à côté du cadavre.
— C’est une voisine qui a donné l’alerte. Très vite. Dès les premières notes. On est intervenu aussi vite qu’on a pu, heureusement que deux voitures étaient de patrouille dans le secteur. Les hommes se sont équipés de bouchons d’oreille dès leur arrivée dans le hall, la musique résonnait dans tous les couloirs. Une horreur. Faudra prévoir un équipement plus lourd si ça continue comme ça.
— Les brigades spéciales ?
— Pas disponibles. Elles sont mobilisées pour un soupçon de festival à quelques kilomètres d’ici. Et on aurait de toutes façons pas eu le temps de les attendre. C’était déjà un foutu vacarme quand on est arrivé. On a fait comme on a pu, on s’en tire plutôt bien.
Vu ce qu’Edison voyait dans l’appartement, ils avaient clairement échappé au pire. Oui, il en faudrait plus des brigades spéciales, des sourds-muets capables d'intervenir quelles que soient les circonstances. Mais les hommes d'exception comme ça, ça ne courrait malheureusement pas les rues.
— L’agent Avery est salement sonné, reprit Kelvin. C’était sa première sortie, c’est trash de débuter comme ça. Les autres ont l’habitude de ce genre de lascar. Il prit le temps de s’essuyer le front avec son mouchoir avant de continuer. On a défoncé la porte. Le type était déjà mort, il n’y avait plus rien à faire pour lui. C’est Clark qui a arrêté la platine. C’est le vétéran de l’équipe, il a des problèmes d'audition depuis quelques années. C'est le meilleur dans ces cas-là. Denver et Gordon sont restés dans les couloirs pour s’assurer qu’aucun des habitants des appartements voisins ne s’expose. Les dégâts sont mineurs.
— Pas d’autres victimes dans l’immeuble ?
— Une vieille dame. L’étage en-dessous. Elle a pris les basses de plein fouet. Les secours ont été prévenus, Gordon reste avec elle le temps que l’ambulance arrive.
— Bien. Merci.
Le commissaire Edison se tourna à nouveau vers le mur du fond de l’appartement. Une sono flambant neuve, deux gigantesques enceintes, facile 1000 watts de puissance. De quoi dézinguer n’importe qui. Et le pire à côté de ça, des disques par dizaines. C’est dire si le gars était un danger depuis longtemps. Ce genre de scène, c’était devenu le quotidien pour Edison depuis son arrivée à la brigade des stups. Un jour, on aura un drame qui nous tuera cent, deux cents personnes avec toutes cette musique qui circule sous le manteau, se dit pour lui-même le commissaire, avant d’ordonner à ses hommes de saisir tout le matériel.
Conches-sur-Gondoire / 24 juin 2024